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1970

La visualisation du réseau d'organisations

L'U.A.I. -- banque de données internationales

-- / --


Introduction
Complexité d'organisation
La notion de réseau
Complexité des domaines d'action
Complexité des usages de l'information
La complexité et ses conséquences
Le système Inter-Contact de l'UAI
Application immédiate
Perspectives de développement
Conclusion
References


Presentation des possibilités informatiques de l'Union des Associations Internationales (UAI) a l'occasion de son 60eme anniversaire (1970). Traduit de l'anglais. [Egalement disponible en version PDF image en English, Dutch, French, German, Spanish]

Introduction

L'hypothèse la plus probable qu'il nous est donné de formuler est que chacune des délimitations, disciplines ou facultés admises dans le passé seront bientôt considérées comme désuètes et comme un obstacle à la fois à l'étude et à la compréhension. Le fait que nous soyons en train de passer d'une vue cartésienne de l'univers, dans laquelle on distinguait encore parties et éléments, a une vue structure-globale s'appuyant plutôt sur des ensembles et des structures, rend aléatoire toute délimitation claire entre certains secteurs d'étude et de connaissance. "(P.F. Drucker, The Age of Discontinuity; guidelines to our changing society) (1.).

Depuis sa création en 1910, l'U.A.I. s'est toujours laissé guider, dans l'élaboration de ses programmes, par le souci d'utiliser les informations de façon à conserver et à propager une vue synoptique et globale de la société dans le monde - " une perspective d'ensemble"- Pour ce faire, il lui a fallu rester ouverte aux informations émanant de tous les secteurs des activités humaines au mépris de facteurs idéologiques ou autres obstacles quels qu'ils soient - c'est là une attitude qui en soi est extrêmement rare à une époque de spécialisation croissante -. L'étendue des informations a très tôt incité à prendre en considération non pas les documents présentés - soit une interprétation statique du passé - mais les auteurs des documents et des programmes - soit une interprétation dynamique du présent et du futur. Ceci a amené l'U.A.I. à s'intéresser essentiellement aux groupements internationaux - gouvernementaux ou non gouvernementaux - en tant qu'éléments d'intérêt potentiels en vue d'une coordination de l'activité ou d'un échange d'informations, c'est-à-dire la clé d'une vue équilibrée de la société mondiale. Les informations recueillies ont été publiées en premier lieu dans lAnnuaire des Organisations Internationales .(2). .ainsi que dans d'autres publications. Ce procédé a été repris après la seconde guerre mondiale3.. Cependant depuis 1945, deux tendances significatives étant apparues, il convient de considérer le rôle et les possibilités de l'U.A.I. sous un jour entièrement nouveau.

La première de ces tendances est l'accroissement considérable de l'envergure et du degré de corrélation des informations nécessaire à une " vue d'ensemble" adéquate qui dépasse complètement le système documentaliste manuel traditionnel. Cette évolution associée à certains problèmes sociaux sera examinée ensuite, de même que les projets de l'U.A.I. en vue de la création d'un centre d'informations basé sur ordinateurs. La seconde est le développement excep tionnel des techniques de traitement des informations et des ordinateurs qui fournit une solution aux difficultés traditionnelles de l'U.A.I. En outre, elle offre des perspectives enthousiastes concernant des méthodes totalement insoupçonnées et bien plus puissantes, capables de rendre possible d'une manière plus dynamique et plus adéquate une " vue d'ensemble". En utilisant cette possibilité de façon habile, on pourrait prétendre à la solution de bien des problèmes importants dans la société. Les possibilités ainsi offertes font ensuite l'objet d'une étude plus détaillée.

Complexité d'organisation

Au cours des vingt dernières années le nombre d'organisations occupé par un problème précis ou par un secteur déterminé s'est considérablement étendu 4.. L'accrois sement du nombre d'organisations indépendantes s'est soldé, au fur et à mesure de leur développement, par une fragmentation au sein de celles-ci. En conséquence, on a assisté à une prolifération d'agences, de commissions, de sub-divisions et de souscommissions 5.. Ces tendances s'accompagnent en général d'un développement non contrôlé dans la variété des formes des activités organisées, fait particulièrement sensible dans certaines entreprises commerciales et dans les organismes mixtes gouvernement / recherche / affaires privées. Au sein d'organismes vastes, la structuration en sous-commissions de travail se ramifie au point qu'elles se chevauchent 6..

Les développements précités ont une influence directe sur la manière de traiter les informations reçues au sujet de certaines organisations et de leurs activités dans le système mondial. Il en résulte que le collationnement des organisations suivant des catégories bien définies, basées arbitrairement sur des conceptions dépassées, devient une entreprise fort douteuse.

Voici quelques exemples du caractère superficiel de certaines distinctions conventionnelles. On parle indifféremment d'une " organisation "peu importante se réunissant rarement et couvrant un petit nombre d'activités, aussi bien que d'une " réunion"régulière d'un grand nombre de participants; de " programmes" assimilés à des " organisations", comme c'est le cas par exemple du Programme Alimentaire mondial. On note également la différence de sens accordée d'un pays à l'autre, et quelquefois d'un état à l'autre (tels les Etats-Unis), aux organisations à but " lucratif"ou " non lucratif". Certaines organisations appelées " internationales"comptent 99% de membres originaires d'un même pays; par contre, il existe des groupements " nationaux"dont l'aire d'action est internationale; il existe des groupements constitués par trois petits pays européens; par contre sont appelées " nationales"les organisations constituées de membres issus de toutes les républiques soviétiques. La notion d'organisme intergouvernemental est tout aussi relative puisqu'il faut en exclure Interpol et le Groupe Bildeberg, ainsi que les organisations gouvernementales déguisées en non gouvernementales; par contre, il faut y inclure les organismes dont les représentants proviennent des différents états des Etats-Unis7.. Il faut tenir compte aussi de l'existence d'organisations " non gouvernementales" dans les pays socialistes, dont tout appareil constitutionnel est en principe gouvernemental. Bien plus, dans certaines circonstances, un groupement gouvernemental ou un organe de presse peut assumer des fonctions non gouvernementales, de même que certains groupements commerciaux, dans d'autres circonstances, pourraient le faire 8.. Par ailleurs, il est des organisations qui changent d'orientation soit que, d'année en année, elles deviennent plus ou moins gouvernementales, plus ou moins lucratives ou internationales, au fur et à mesure que les ressources financières fluctuent avec l'arrivée de nouveaux membres, suivant la nationalité des dirigeants, ou suivant le choix des programmes, etc.

La tendance à la facilité veut que l'on classe les organisations dans l'une ou l'autre de ces catégories. C'est là une erreur. En assimilant la notion d'" internationalité", au sens courant et officiel du terme, à celle d'action " intergouvernementale", les gens aboutissent à l'erreur élémentaire d'identifier l'état à toute la hiérarchie des institutions sociales9.. La plupart des recherches en matière de relations internationales ont été orientées vers les relations intergouvernementales alors qu'elles ont négligé l'étude des autres interactions possibles entre états et citoyens. Un sommaire des recherches effectuées au cours de la période 1960-1969 a démontré que les Nations Unies ont fait l'objet de 66 % de ces recherches (28 agences); 85% se sont attachées aux organisations intergouvernementales (229 groupements), 14% aux associations internationales non gouvernementales (2.577 groupements), et 0 % aux organisations internationales commerciales (2.819 groupements). Aucun travail de recherche n'a été mené au sujet des relations entre organisations10.. La situation au niveau national n'est guère plus encourageante11..

Alors que les catégories traditionnelles suffisent amplement à résoudre les problèmes conventionnels posés au cours d'une période de temps assez courte, un problème d'un type nouveau devra être résolu grâce à l'action conjointe de divers groupements d'organisations ou par d'autres types de structures. L'afflux constant des problèmes exige que l'on fasse appel à des méthodes nouvelles capables de résoudre cette complexité organisée". Il convient de souligner qu'une organisation n'obéit plus au concept traditionnel d'antan selon lequel elle formait une entité isolée, mais qu'elle fait partie d'un tissu de relations plus complexes12.. Le problème qui reste à résoudre est celui de la création d'une banque de données internationales susceptible de refléter ce degré de complexité.

La notion de réseau

La première difficulté à éliminer est celle causée par les automatismes éducatifs créés par la pensée cartésienne. Il existe bien peu de techniques mentales capables de cerner le complexe mouvant de l'activité organisée, évoquée dans le chapitre précédent13.. Il est vrai qu'il serait bien plus aisé de simplifier la situation et de feindre d'ignorer l'existence de relations ou d'organisations malaisées à comprendre, de sorte qu'on pourrait les traiter à l'aide d'un nombre restreint de catégories.

Il existe cependant une notion relativement répandue capable d'évoquer ce degré de complexité et qui se prête à la fois à un traitement mathématique et par ordinateur. C'est la notion de réseau 14.. De même qu'un filet de pêche est constitué de mailles qui se rejoignent en noeuds, il est possible de se représenter chaque entité organisée comme un noeud relié directement ou indirectement à d'autres noeuds au sein d'un même réseau complexe. Les liens (c'est-à-dire les " mailles"du filet) peuvent se concevoir sous la forme d'influx d'informations, de fonds, de marchandises, ou plus concrètement sous la forme de lignes téléphoniques ou de routes. Au sens le plus large du terme, les noeuds peuvent représenter toute entité traitant l'information tels que: organisations, programmes, individus, périodiques, bibliographies, etc. Contrairement au filet de pêche, le réseau d'organisations n'est ni plane ni bi-dimensionnel, mais indubitablement multi-dimensionnel. Il serait intéressant de considérer les groupements organisés que l'on peut détecter, comme une dissémination d'étoiles dans la galaxie " autour de la terre". Elles sont en effet projetées dans un espace multi-dimensionnel. C'est ainsi qu'il existe des agglomérats d'organisations dont les intérêts sont communs, ou des organisations qui prennent d'un point de vue donné une signification plus grande que d'autres, lesquelles, du même point de vue sont plus difficiles à détecter.

Le réseau d'organisations ne forme nullement une structure rigide et inaltérable. Cette notion ne sera vraiment utile que si elle reflète le dynamisme de la société. C'est pourquoi il est possible de concevoir certains noeuds qui ne soient visibles que peu de temps, comme c'est le cas lors de réunions occasionnelles à propos d'un problème nouveau ou quelquefois lors d'un projet de courte durée, ou visibles de manière intermittente (selon un mode et une fréquence caractéristiques) dans le cas d'une série de réunions régulières. Il en va de même des liens unissant les noeuds: ils peuvent être tantôt permanents, quand ils correspondent à des lignes de responsabilité entre une organisation et un groupement dépendant, tantôt intermittents (selon un mode et une fréquence caractéristiques), quand ils correspondent à des échanges réguliers d'informations ou à une participation à une réunion, etc.

L'" observateur"qui aurait une vue d'ensemble du réseau total aurait l'impression d'une interaction constante entre liens et noeuds à un rythme tel que celui-ci finit par entraîner une mutation des types de relations unissant les noeuds. Ces dernières sont communément enregistrées de façon semi-intuitive de sorte qu'il devient difficile de donner de la structure de la société une image objective. Une terminologie adéquate fait défaut quand il s'agit de décrire de telles notions ou d'élaborer une base conceptuelle objective capable de délimiter clairement la signification de groupements sociaux conventionnels, historiquement définis, tels que organisations " non gouvernementales", groupements à but " non lucratif", etc. Il serait souhaitable de remplacer ces termes inadaptés et négatifs par le terme plus général et dynamique de " réseau". Tous les groupements qui s'occupent du traitement des informations y seraient examinés en tant que réseaux avec leurs caractéristiques particulières, mais qui seraient néanmoins reliés de certaine manière ou assimilés de façon à former des réseaux de plus en plus étendus.


Ces deux photos saisies sur écran de visualisation d'ordinateur ne symbolisent-elles pas l'espace " organisationnel" en trois dimensions; en haut, les noeuds et en bas, les liens entre organisations.
(Extraits de films I.B.M. á but artistique conçus pour montrer la puissance de cette technique)

Le manque de terminologie valable renforce la conception erronée selon laquelle la structure de la société reposerait sur une conception semblable à celle correspondant aux termes employés pour délimiter les groupements organisés pour un but restreint, tels la législation sur les taxes, les lois régissant les contrats, etc. Etant donnée la négligence apportée à toute étude sérieuse des structures sociales pour des raisons et académiques et de planification, la pensée s'est volontairement limitée à considérer l'individu comme une unité de consommation. Bertram Gross souligne que la répartition des êtres humains en catégories est moins importante que l'ensemble des relations qui les unit; les études internationales publiées par les Nations Unies ne visent jamais à analyser les structures qui en résultent et elles se bornent à prendre en considération certains facteurs de " bienêtre physique"valables il y a dix ans15..

Ces rapports fournissent des statistiques sur le nombre de cinémas, de quotidiens, de radios, etc., par tête d'habitant, et sur les méthodes mises en oeuvre pour informer et influencer les individus à partir de certains centres de pouvoir. Par contre, ils omettent de parler des groupes et structures compliquées dont usent les individus pour exprimer, protéger ou servir leurs intérêts particuliers, et qui déterminent le sens dans lequel s'opère l'évolution de la société.

Complexité des domaines d'action

L'évidente complexité de l'organisation de la société provient en grande partie de la nécessité de réagir de façon organisée aux nombreux secteurs reconnus de la connaissance et de l'activité humaines. L'explosion des connaissances ainsi que le temps nécessaire à la maîtrise d'une activité quelconque ont accéléré la division du travail et augmenté le nombre de spécialistes et de disciplines, et chaque fragment de discipline s'en est trouvé à son tour divisé.

La rapidité avec laquelle les frontières de la connaissance reculent dans un certain nombre de disciplines a fait que les personnes impliquées dans un secteur ou un mode de connaissance déterminée ignorent totalement la portée que peuvent avoir sur la société ou sur eux-mêmes certains autres secteurs d'activités; d'autre part, ils peuvent éprouver les plus grandes difficultés, même s'ils en ressentaient le désir, à découvrir ou même à comprendre les informations traitant de cette action. On en trouve un exemple frappant dans l'intérêt étroitement limité que l'on porte à l'accroissement de l'efficacité des programmes de développement et les systèmes d'information s'y rapportant, alors que c'est précisément en parallèle avec la Deuxième Décennie du Développement des Nations Unies qu'il faudra disposer de systèmes d'informations plus complexes. Ces systèmes seront nécessaires pour promouvoir une informatique adéquate concernant les problèmes d'environnement et de pollution qui, chacun le sait, résultent directement d'un développement excessif, mal coordonné ou mal dirigé 16..

Chaque groupe humain impliqué dans un secteur déterminé de connaissance ou d'activité est, vu de sa position individuelle, engagé dans une série hétéroclyte d'activités dont il entrevoit à peine l'importance. Un tableau utile de cette situation pourrait fort bien être brossé en utilisant un sujet de roman d'anticipation à propos de la période dans l'histoire de l'humanité où l'homme aura depuis longtemps quitté la Terre pour partir à la conquête de corps célestes dans tout l'univers. Un tel roman souligne que probablement dans une telle circonstance, les distances, le temps, et les problèmes de communication, associés à l'attrait psychologique relativement important des événements au sein d'une société planétaire donnée, auront pour effet d'isoler chaque groupe et de métamorphoser l'humanité en sous-cultures indépendantes qui, en fin de compte, ne conserveront qu'un souvenir trouble de leur origine commune, sur terre ou de la structure des parties de l'Univers, dont ils demeureront éloignés. En colonisant les différents domaines de l'univers de la science et en s'engageant dans l'un ou l'autre d'entre eux, l'homme s'est délibérément forgé une situation analogue aux conquérants de l'espace. Il en résulte que chaque groupe est convaincu, dans la recherche d'une solution à un problème quel qu'il soit, de l'importance primordiale de sa propre discipline, et il aura tendance à minimiser l'importance des problèmes qui ne sont pas de son ressort et à s'en remettre à la responsabilité d'autrui.

Voici un exemple: " En supposant qu'un problème d'organisation puisse être entièrement résolu par l'une de ces disciplines (sciences politiques, sciences économiques, sociologie, etc...) comment le spécialiste d'une discipline donnée pourrait-il savoir si, pour un cas bien déterminé, une autre discipline est mieux équipée que la sienne pour résoudre le problème ? Il doit être en effet assez rare de trouver l'un ou l'autre praticien de l'une de ces disciplines qui ne soit pas persuadé que sa manière de travailler serait très efficiente, sinon la plus fructueuse ? 17."

La méthode traditionnelle qui voulait que l'on agisse comme si " la nature était. au même titre que les universités, organisés en disciplines diverses"17. et maintenant mise en question par les problèmes sociaux et d'environnement plus complexes. " Les analystes de systèmes savent qu'une discipline isolée ne suffit pas à résoudre de façon adéquate tous les problèmes qui se posent. Une compréhension totale nécessite une intégration de toutes les disciplines... La coordination doit entrer en jeu pendant et non après la recherche "17.. En contrepartie, la relation entre les diverses disciplines est altérée par la nature des problèmes eux-mêmes. Il est généralement admis que les " problèmes présentent un tel degré de complexité que rechercher une solution à chacun d'eux isolément, revient dans la plupart des cas à en créer de nouveaux, est davantage que ceux qui ont déjà été résolus"18..

On constate malheureusement que cette situation n'est pas toujours reconnue: " Les milieux officiels, intellectuels et administratifs chargés du redéveloppement et des programmes de rénovation urbaine aux Etats-Unis s'attache de manière intensive à résoudre une petite partie du problème"19.. C'est pourquoi une banque de données sur le système mondial ne peut se permettre de porter tous ses efforts sur un secteur en particulier, que ce soit le développement, la paix ou l'éducation, etc. Il est indispensable de pouvoir coordonner les perspectives, de les combiner, et surtout d'être prêt à en accepter de nouvelles.

Complexité des usages de l'information

La fonction d'un système d'information, dont le souci est l'étude du système mondial, n'est pas seulement de prendre en considération les développements complexes que connaissent les organisations, la connaissance et les problèmes en général; il doit pouvoir aussi accepter l'accroissement des relations entre les divers usages d'un tel système d'information.

Un ensemble de données sur le système mondial n'est pas seulement profitable à la recherche académique dans des domaines aussi divers que les relations internationales ou les sciences politiques. De telles informations peuvent être également d'une grande utilité pour des organismes qui, d'une manière ou de l'autre, sont intéressés par le contrôle de l'évolution sociale, notamment les planificateurs, politiciens, administrateurs ou directeurs groupements vastes et complexes. La valeur que représente à leurs yeux un système d'information global est qu'ils sont aussitôt au courant des caractéristiques de l'environnement ou du contexte qui influencent - ou qui sont au contraire influencés par - le système d'organisation dans lequel ils sont impliqués. Dans le cadre des méthodes de planification actuelles, toute exécution de projet risque d'être réalisé dans l'ignorance de certains facteurs qui ne sont pas de la compétence du système d'organisation. Il en résulte que des recommandations sont proposées par une organisation - en général à l'entière satisfaction de tous - qui au départ ignorait totalement les problèmes d'environnement dans lesquels elle était plongée. Ce sont des problèmes qui deviennent évidents seulement quand les recommandations sont appliquées. Le repérage de facteurs de ce genre en dehors des organisations est toujours le résultat d'un travail de recherche académique. Ce sont des cas de cette espèce qui démontrent l'importance de la collaboration entre la recherche et la planification. La fonction du secteur de recherche consiste à étudier l'interaction entre les facteurs, tandis que la fonction du planificateur est de formuler des recommandations à la lumière de ces facteurs.

Si le secteur de recherche du système d'information est totalement séparé de celui utilisé dans la planification et l'élaboration des programmes, il n'existera pas de canal de communication valable entre les deux groupes. (a) Les moyens mis en oeuvre par la recherche ne seront pas destinés à résoudre les problèmes qui préoccupent directement les planificateurs, mais ils s'attaqueront au contraire à des problèmes dont les résultats sont inutilisables par les planificateurs; (b) les planificateurs seront amenés à formuler des recommendations sur la base de notions qui, dans les cercles de recherche, sont périmées depuis parfois dix ans. L'emploi de données internationales peut revêtir une importance similaire dans d'autres domaines tels que les informations publiques, l'administration de programmes, la documentation, l'éducation (dans les universités et écoles) et, peut-être touchons-nous ici le but essentiel, il peut favoriser une participation démocratique aux grandes options politiques. A chaque utilisation des données supplémentaires sont nécessaires. La grande difficulté est la constitution d'un ensemble de renseignements intégrés qui, dans chaque cas, demandera une configuration différente. Avec les méthodes traditionnelles, il n'est pas possible de structurer les données de façon à ce qu'elles soient universellement valables et forment une base commune. L'origine de cette difficulté doit être recherchée dans le fait que l'on s'est toujours référé, par tradition, aux renseignements fournis, dans leurs formes les plus diverses, plutôt qu'aux fournisseurs de renseignements. En mettant l'accent uniquement sur ceux-ci, on trouve d'emblée une base commune 20..

L'étude des nombreuses autres interactions entre les diverses utilisations des données déborderait le cadre de cet article. Qu'il soit cependant évident que tout facteur entravant ou retardant l'interaction - il s'agit ici en particulier de la création de systèmes indépendants et inadaptés à leur fonction par des départements ou des organisations non apparentées - est la cause de contretemps dans la communication qui, d'emblée, sont à l'origine d'interprétations erronées, la cause de problèmes sociaux inutiles et, par conséquent aussi, d'un gaspillage de ressources. Le rapport Jackson en est un bon exemple: dans ses recommandations concernant le Système de Développement des Nations Unies21 .et qui traite d'un système de recherche et d'administration de programmes le rapport se refuse à envisager la nécessité de faire appel à un système d'information publique, tout en reconnaissant par ailleurs, que la clé du développement dépend d'une opinion publique informée 22..

Toute méthode de recherche nouvelle sur le système mondial devrait rapidement influencer les milieux politiques, éducatifs, d'information publique, etc. La même loi régit les innovations dans n'importe quel autre secteur. Les développements dans chaque secteur fonctionnel quel qu'il soit devraient tendre à se compléter sans heurts et à se renforcer au lieu de procéder par bonds inconsidérés. Les systèmes d'informations constituent le système nerveux de la société planétaire. Si la méthode employée pour leur élaboration et leur usage demeure fragmentaire, on ne pourra éviter des crises sociales analogues à celles que l'on rencontre dans le cas de certaines déficiences du système nerveux, comme si le système mondial était une organisation comparable à quelque dinosaure atteint de paralysie spasmodique ou d'aphasie. Un développement parfaitement intégré ne pourra être réalisé que si le système d'information est destiné à un usage multiple.

id="cons">La complexité et ses conséquences

Chaque organisation tend à travailler isolément et à concevoir des programmes, problèmes ou fonctions, en l'absence de tout rapport avec d'autres groupements, non consciente du fait qu'elle crée ainsi une situation dans laquelle des hommes ou des groupes d'individus n'auront qu'une compréhension limitée des conséquences et du contexte d'activités où ils sont engagés. Non seulement, il est pratiquement impossible de contrôler les problèmes existants, mais " le danger qui nous guette est que la manière dont nous inventons et appliquons de nouveaux concepts de contrôle de l'organisation soit elle-même incontrôlable..."43..

Au fur et à mesure que l'on détecte de nouveaux aspects de la crise sociale au point de faire de ceux-ci la cible de soucis privés ou, à un stade ultérieur, d'une action gouvernementale - des organisations nouvelles ou de systèmes d'informations sont créés en réponse à ces stimulus particuliers. A peine les nouvelles organisations sont-elles devenues opérationnelles et à peine des carrières leur auront-elles été dédiées, que leur existence devient une gêne réelle à la solution du problème original et l'on est forcé de reconnaître alors que celui-ci avait été causé par des facteurs qui ne figuraient pas dans le programme d'action initial. On s'en rend compte à la lumière d'une compréhension nouvellement acquise de la nature et des ramifications qu'a connues le problème au sein de la crise sociale considérée dans son ensemble. Cette compréhension est elle-même en développement incessant. Une erreur fréquemment commise - commise souvent délibérément pour parvenir à une simplification outrancière nécessaire à toute activité politique efficace - est de considérer que l'évolution puisse se terminer quelque part; c'est ainsi que l'on fixe dans des formules que l'on croit définitives, certaines crises " uniques"de la civilisation tels que la paix, la faim, l'éducation, le développement, la jeunesse, la pollution, etc. Le danger réside dans le fait qu'une action politique puisse s'emparer d'un tel problème pour le présenter comme le but essentiel des ressources, alors qu'elle ignore totalement le contexte dans lequel évolue le problème, mais qu'elle espère le faire passer comme la clé de tous les autres problèmes. Une définition nouvelle, ou meilleure, du problème ne saurait en aucun cas justifier un tel emploi des ressources. Une telle politique peut mener à une solution dramatique de problèmes particuliers, mais elle peut, en outre, compromettre la solution de problèmes nouveaux ou similaires - du fait de son succès initial (ou de l'enthou siasme provoqué par un prétendu succès final).

DEUX VUES POSSIBLES DE LA MÊME SOCIÉTÉ

UNE SOCIETE COMPLEXE,
hostile à toute participation - conception née d'une perception superficielle de la structure sociale
UNE SOCIETE TRANSPARENTE,
invitant à une participation éventuelle - conception née d'une perception approfondie guidée par une vue d'ensemble de la structure organisationnelle
UNE SOCIETE COMPLEXE UNE SOCIETE TRANSPARENTE
(Photographies de la Sphère de Morellet. Vu à la Galerie Rive Gauche, Bruxelles)

C'est ce processus de détection des problèmes et les solutions qu'on pourrait y apporter qui devraient pouvoir être formulés conceptuellement. Les organisa tions et les systèmes d'information devraient être structurés de façon à pouvoir traiter les définitions changeantes des problèmes ainsi que les problèmes exigeant des stratégies différentes (par exemple, dans la rapidité de réaction) plutôt que de se laisser dépasser par chaque définition nouvelle donnée à une solution possible d'une crise sociale ainsi qu'à la stratégie qu'il convient d'y appliquer.

L'hiatus ainsi créé et qui oblige la société à passer aveuglement d'un problème à l'autre provient du fait que les organisations et les systèmes d'information sont désuets et inadaptés et sont appelés à traiter uniquement des problèmes occasionnels. De tels systèmes ne sont pas organisés pour faire face aux changements et, par conséquent, ils succombent devant ceux-ci. Cette destruction peut se présenter sous la forme d'une dégénérescence naturelle causée par le vieillissement des adhérents qui furent les auteurs des structures, ou sous la forme d'une " liquidation"violente parce que les structures en présence résistent activement aux changements indispensables, ou en voilent la nécessité. Il va de soi que tout changement n'est pas radical et il faut distinguer dans le changement des vitesses différentes et des niveaux différents, des détails aux fondamentales. Dès l'instant où l'on prend clairement conscience de cette gradation, il est évident que le besoin de faire face à une rectification minime n'entraînera pas (par manque de discernement) un change ment indésirable des structures fonda mentales, ce qui aurait une conséquence fatale sur les structures existantes.

La prise de conscience de la complexité de la société - sujet dont il a été débattu dans les chapitres précédents - a pour conséquence de rendre cette gradation inintelligible (excepté pour certaines élites fait qui souligne davantage la difficulté de discernement des organisations au point que la destruction totale des structures - ou révolution totale - est justifié aux yeux de certains. La complexité équi vaut à un manque de transparence vis-à-vis de la compréhension. Cette opacité fait que les structures des organisations sont inséparables des conséquences négatives perceptibles de leurs activités. La complexité empêche les gens de connaître l'existence d'organisations capables de résoudre effica cement un problème déterminé. Ou alors, ils considèrent avec suspicion que les organisations existantes se complaisent dans l'inactivité. Ceci conduit directement à la création d'organisations ou de systèmes d'informations nouveaux qui accroît ainsi la complexité, entraînant un sentiment de frustration, de claustrophobie et ainsi de l'aliénation de l'individu.

Il est donc question de savoir dans quelle mesure on pourra combiner l'idée de changement avec une diminution de l'instabilité provoquée par un manque de transparence. Si les structures des organisa tions sont conçues en fonction de catégories restrictives ou inadaptées et si elles demeurent isolées les unes des autres, certains esprits critiques ne manqueront pas de rejeter des catégories d'organisa tions entières parce qu'on manque de moyens efficaces pour détecter ou distinguer l'utile de l'inutile - dans ce cas, c'est la catégorie des groupements en tant que " système"qui se trouve être condamnée. Si, au contraire, on s'accorde à travailler en réseau, il sera possible de déterminer l'incompatibilité d'un lien déterminé ou d'un réseau mineur, sans pour autant être tenu de rejeter tous les autres liens ou noeuds qui y sont associés, pour la seule raison qu'il y a manque de transparence. A vrai dire c'est l'intervention du bistouri plutôt que du marteau pilon. Cette méthode a l'avantage d'envisager le changement sur une base conceptuelle, étant donné que les liens en cours de rectification tendent ainsi à faire partie d'un réseau mineur tandis que le réseau global n'en sera nullement affecté. Le problème est de savoir comment on pourra concrétiser ce cadre pour bénéficier de ses possibilités. Si un tel cadre conceptuel pouvait être mis sur pied, il serait possible de faire ressortir les protestations démocratiques comme des points de désaccord avec certains liens ou réseaux mineurs à l'inté rieur d'un réseau donné plus vaste - c'est-à-dire arriver à une situation pré férable à celle d'aujourd'hui qui veut que les partis soient scindés en camps opposés sans la moindre structure de base commune.

Le système Inter-Contact de l'UAI

Les chapitres précédents ont suffisamment démontré que les occasions de réaliser une vue d'ensemble plus réaliste et plus puissante ne manquent pas, à condition de faire appel à une banque de données internationales susceptible de développpe ments continuels dans les années à venir. Certaines de ces occasions sont étroitement liées à des problèmes sociaux majeurs qu'il serait présomptueux de vouloir résoudre dans le cadre d'une organisation isolée. Par la solution de ses problèmes propres dans le domaine du traitement des informations, l'U.A.I. est à même de créer un outil capable de fournir une perspective intégrée valable sur la plupart de ces problèmes et, plus particulièrement, sur le réseau d'organisations qui est la clef de toute action efficace.

Des efforts sont actuellement entrepris pour rassembler sur ordinateur toutes les informations concernant les liens et noeuds qui, dans le réseau du système mondial, ont une portée internationale. Une partie de ces informations est déjà disponible actuellement dans l'Annuaire des Organisa tions Internationales3., sous forme de descriptions envoyées par chaque organi sation internationale. Ces descriptions se bornent parfois à une adresse alors que d'autres s'étendent sur plusieurs pages de texte. La présentation de texte traditionnelle doit cependant être fragmentée pour per mettre à l'ordinateur de traiter séparément chaque lien en rapport avec une organisa tion déterminée ou une de ses sous sections: de cette manière les renseigne ments pourront être étudiés dans le cadre d'un réseau. Ainsi une organisation est reliée à des organisations membres; chacune de celles-ci étant à son tour reliée à sa propre organisation membre, pour être éventuellement reliée à des individus. Suivant son organigramme, l'organisation est elle-même fragmentée en divisions et sections formant des réseaux différents de noeuds et de liens. Une organisation peut être reliée à une autre pour des raisons diverses: en qualité de membre, pour aide reçue, ou à la suite d'une collaboration dans l'élaboration d'un programme. Elle peut être reliée au réseau par sa collaboration à un congrès régulier et aux organisations qui y sont repré sentées, ou encore suite à une distribution de périodiques, etc. En outre, elle est naturellement reliée à ses dirigeants qui à leur tour peuvent jouer un rôle dans d'autres organisations et qui, par consé quent, sont automatiquement en rapport avec celles-ci. (Il est intéressant de constater qu'un individu peut jouer divers rôles - les " rôles"deviennent de ce fait " membres"de l'individu ainsi écartelé au sein du réseau. En tant que tel il peut devenir le noeud clé reliant entre eux des milieux gouvernementaux, académiques ou universitaires.)

Les informations recueillies ne se limitent pas au contenu d'un seul Annuaire. Les adresses de contact utilisées par l'U.A.I. (en l'occurrence les bibliothèques, groupe ments nationaux et locaux, entreprises commerciales internationales, ambassades, agences gouvernementales, etc.) en vue de la distribution de sa revue 23. font elles aussi partie d'un plan de développement à long terme qui permettra d'étudier les centres d'activité nationaux ou locaux qui revêtent une importance internationale. L'U.A.I. a également l'intention d'étendre son champ d'action de façon à pouvoir représenter en réseau d'autres types de noeuds à propos desquels elle possède déjà des informations: réunions24., programmes et projets, périodiques25., rap ports d'assemblées26., etc. Dans chacun des cas, il sera fait mention de la relation d'un noeud avec d'autres noeuds. L'avantage d'une telle méthode est que chaque point ou noeud qui jusqu'à pré sent a été représenté en réseau pourra devenir l'embryon d'un développement futur. L'information minimale que l'on possède à propos de chaque noeud est celle nécessaire au contact, en d'autre termes le nom et l'adresse. Est considéré comme développement le fait de rassembler des détails sur le réseau des organes qui constituent la structure interne du noeud que l'on a touché, ou à propos des associa tions avec lesquelles le noeud est en rapport - ainsi lien après lien se dégage une image organique de certains secteurs particuliers et de l'ensemble.

Le sens que prendra un développement n'est jamais arrêté à l'avance. L'U.A.I. a un intérêt majeur à se concentrer sur la configuration internationale, mais toutes les fois que certaines associations inté ressées désirent apporter une contribution en vue de promouvoir un secteur déterminé du réseau - santé, agriculture, etc. - ou de favoriser un pays en particulier, ou toute autre combinaison de caractéristiques, il sera possible de le faire. Un équivalent actuellement important de l'accent mis par l'U.A.I. sur l'aspect international de la dimension international-local, est l'aspect multidisciplinaire de la dimension multi disciplinaire-spécialisé 46.. Ainsi des fonds pourraient être alloués pour rassembler des données sur des organismes multi disciplinaires, qu'ils soient internationaux ou locaux.

La banque de données se développera dans diverses autres directions. De plus en plus, on appliquera dans l'analyse des réseaux des méthodes plus complexes en collaboration avec des groupements universitaires en vue d'améliorer la compré hension du système mondial. On espère tout particulièrement maintenir les liens avec le Programme des Relations Inter nationales (Northwestern University, E. -U.), l'Institut International pour la Recherche de la Paix (Université d'Oslo), et une association en pleine expansion actuelle ment en U.R. S. S. qui, dans l'avenir, usera de moyens cybernétiques puissants - et pour laquelle le système Inter-Contact de l'U.A.I. est idéalement indiqué. D'autre part, des efforts seront entrepris pour rendre les méthodes de présentation des informations sur le réseau à la fois plus simples et plus efficaces, afin que celui-ci puisse rencontrer les exigences de per | sonnes de formation non technique, tels les administrateurs, ou être utilisé dans l'enseignement 27..

Le système pourrait être développé dans une autre direction encore, et il est difficile d'en évaluer la portée. La création de Inter-Contact survient alors que les Etats Unis disposent de banques de données possédant des informations sur quelque 500 millions d'individus, alors que beaucoup de gouvernements élaborent leurs propres systèmes de données, alors que les Nations Unies tentent de constituer une banque de plus d'un million d'adresses particu lières, et que le réseau des World Trade Centres à travers le monde comptera et manipulera des données commerciales importantes à l'aide d'un système d'ordina teurs puissants (probablement reliés par satellite). La tendance à la concentration des informations sous le contrôle de l'Etat et des groupes commerciaux, bien que bénéfique en principe, est générale ment considérée comme une menace contre le droit au secret et les méthodes traditionnelles de contrôle des abus28.. Il e généralement admis, et en ceci réside le danger, que les problèmes internationaux évoluent avec une telle rapidité qu'ils conduiront bientôt la société dans une situation telle qu'elle " sera tentée - ou peut-être ne pourra-t-elle pas faire autrement - de sacrifier les principes politiques démocratiques" 29.- une situa tion déjà pressentie dans le roman de George Orwell, " 1984".

Le système Inter-Contact de l'U.A.I. - ou la technique - offre à des groupements non gouvernementaux ou à but non lucratif de toutes espèces, envergures ou croyances, la possibilité d'accroître leur efficacité par l'utilisation d'un système d'ordinateur puis sant. On prévoit, au cours d'un développe ment ultérieur, la création d'une méthode souple et complexe permettant à des groupements utilisant le système, d'échan ger des données tout en préservant, quand cela est nécessaire, la sécurité et le droit au secret de chacun, en dédommageant le groupement qui aura permis à d'autres d'utiliser des données que le premier aura recueillies. Des méthodes de finance ment coopératives permettront à certaines organisations (telles que des fondations) de subventionner l'utilisation du système par des sociétés déterminées à but non lucratif. Leurs activités seront ainsi faci litées. (Cette méthode est d'une importance primordiale en ce sens qu'elle procure le moyen de contourner, à divers niveaux administratifs, les problèmes traditionnels de coordination entraînés par les questions de procédure, personnalité et politique; elle pourrait aboutir ainsi à une espèce de " coordination spontanée"du fait qu'elle résulte d'une intégration partielle au niveau de l'utilisation de l'information. L'étendue et la souplesse des possibilités techniques sont plus que suffisantes pour toute exigence d'autonomie.)

On pourrait supposer qu'un développement aussi exceptionnel peut aider à accroître l'efficacité opérationnelle de certains grou pements dont la fonction, dans les sociétés démocratiques, est de protester, ou de contrebalancer les actions et les omissions d'organisations différentes (agences gou vernementales, associations, sociétés com merciales ou autres . . .) qu'ils considèrent, selon leurs propres systèmes de valeurs, comme étant dangereuses ou irresponsa bles. Plusieurs de ces groupements sont actuellement capables d'introduire des ferments d'instabilité dans le système international étant donné qu'ils disposent d'un système d'information généralement supérieur. Ils ont ainsi besoin de réactions plus rapides et plus efficaces de la part d'organisations capables de détecter les abus. Il est important qu'un système semblable, décommercialisé et apolitique, soit créé afin d'éviter que l'efficacité des organisations ne soit lésée par des obstacles monétaires ou autres frais imposés lors de l'accès aux systèmes d'information gou vernementaux ou commerciaux. Un système de coordination peut également s'avérer utile dans le domaine de la participation et contribuer à une formulation plus complète des valeurs de la société.

La réalisation de ces possibilités coopéra tives dépend en grande partie de ta mesure dans laquelle les futurs utilisateurs vont a) rejeter l'ordinateur comme le moyen d'arriver à un avenir meilleur vu que, dans leur esprit, ils se référeront à l'utilisation qui en est faite dans certaines organisations; b) remplacer l'efficacité d'un travail en commun par le désir de travailler indépendamment à l'aide de systèmes électroniques incompatibles et entrer en concurrence pour se procurer les ressources disponibles (c'est là l'erreur fatale commise par un grand nombre d'organisations inter gouvernementales, même dans le cadre du système des Nations Unies); c) se laisser convaincre de la nécessité de préparer activement, de rechercher et d'utiliser collectivement les techniques d'information modernes desquelles, du reste, ils pourront tirer le plus grand profit; d) comprendre que leur survivance et leur efficacité dépendent de la manière nouvelle dont ils vont accroître ou diminuer la disponibilité des informations qu'ils contrôlent (c'est à-dire une évolution vers une situation dans laquelle les groupements isolatio nistes tendront à disparaître).

Application immédiate

a) La production de livres de références

Pour la production de la 13e. édition de l'Annuaire des Organisations Internatio nales, il sera fait appel, au cours de l'année 1970, au système Inter-Contact par l'intermédiaire d'un ordinateur chargé de la composition. En d'autres termes, l'ordinateur sera chargé d'ordonner les données ligne après ligne, page après page, sur bande magnétique, y compris les corrections et les additions, ainsi que huit index ou davantage, dont certains en diverses langues étrangères. Il sera ensuite procédé à la confection d'un film dont le répertoire pourra être imprimé. Les mêmes données pourront être inter prétées de manière différente de façon à constituer des répertoires d'organisations obéissant à n'importe quelle combinaison de critères. Il est prévu une édition française de l'Annuaire 30., de même que plusieurs autres publications de l'U.A.I., à propos de congrès 24., périodiques 25., rapports de congrès 26.. L'U.A.I. pourrait préparer égale ment des répertoires nationaux.

b) La recherche

Les demandes d'informations concernant des groupements obéissant à des critères déterminés seront satisfaites à l'aide des mêmes données (ex.: des listes d'organisa tions: avec quartier général ou membres en Belgique, intéressées par un problème déter miné, n'ayant pas tenu de réunions en Tunisie, etc.). En ce qui concerne les études structurales plus complexes, elles seront entreprises en collaboration avec des groupes universitaires.

c) La diffusion

On utilisera également le système pour diverses sortes de diffusion: questionnaires en vue d'obtenir des informations nouvelles (par ex.: au sujet de la publication de nouveaux Annuaires) ou des rapports spéciaux; la distribution de la revue mensuelle " Associations Internationales" ainsi que des périodiques d'autres organisa tions sera faite sur demande; il en sera fait de même pour les invitations aux congrès, etc. Un des aspects les plus importants de ce système sera la faculté de fournir aux organisations, qui sont intéressées par un aspect quelconque des activités humaines, les adresses de tous les groupements avec lesquels ils devraient se mettre en contact.

Perspectives de développement

La science et la technologie ont atteint un tel degré de développement que " pour la première fois dans l'histoire de l'humanité, nous en sommes arrivés au point de pouvoir réaliser tout ce que nous désirons à condition d'y mettre le prix"31.. Ceci peut s'appliquer aussi bien à la production de choses nouvelles que - fait rarement mentionné - au développement des techniques capables de fournir une vue d'ensemble coordonnée des processus sociaux dans lesquels l'homme se trouve engagé. D'où l'importance des recherches sur l'avenir qui aideront la société à opter pour ce qu'elle désire et à décider sur la répartition actuelle des ressources. Le premier chapitre ci-dessous traite de certains développements du système Inter Contact qui sont techniquement réalisa bles actuellement. Dans le second chapitre, les développements décrits aboutiront à des réalisations qui seront probablement acquises dans les trente années à venir et à la conception desquelles le système Inter-Contact pourrait contribuer.

a) L'avenir immédiat

Organigrammes : ilest peut-être surprenant de constater que beaucoup d'organisations importantes, telles les administrations d'Etat nationales ou les agences spécialisées des Nations Unies, sont incapables de présenter un organigramme détaillé compre nant tous leurs groupements et leurs organes constituants. A ce propos un gouvernement européen après avoir fait établir la liste complète des 300 organismes internatio naux s'occupant du développement, a dû renoncer à la formulation d'une politique globale 1970-1980 parce qu'il ne s'avérait pas possible de déterminer, au sein de son administration, quel organe était respon sable pour la liaison avec chacun de ces organismes. On s'est limité à une politique globale couvrant une trentaine de ceux-ci, soit dix pour cent.

Grâce à la technique Inter-Contact, la possibilité nous est offerte de stocker des informations à propos de telles structures internes, ainsi que des index, d'imprimer des organigrammes, et même de faire coïncider les organigrammes de deux gouvernements nationaux de façon à pou voir comparer les responsabilités équiva lentes dans chaque hiérarchie. Et à l'aide d'une telle hiérarchie, il sera possible de rechercher le canal parcouru par une décision sur un problème déterminé.

Visualisation graphique : ilserait possible aussi de diffuser les informations fournies par les organigrammes par l'intermédiaire d'un procédé apparenté à la télévision relié à des ordinateurs - cette méthode d'affichage d'information est appliquée actuellement avec succès à l'aéroport de Londres dans le domaine des réservations de places. Cependant un progrès important sera réellement réalisé le jour où il sera possible de montrer des parties du réseau des organisations sous une forme graphique. Cette représentation d'un réseau en deux, trois ou quatre dimensions permettra d'entrevoir en images les relations entre les organisations. Il est possible, à l'aide d'un marqueur lumineux relié à l'ordinateur, de faire entrer ou d'effacer des informations sur l'écran. De telles méthodes sont actuellement utilisées pour la visualisation de circuits électroniques, de structures mécaniques (avions, automobiles, etc.) ou pour l'analyse de modèles tri-dimen sionnels de molécules chimiques complexes. Ceux-ci peuvent être manipulés, réduits ou amplifiés sur l'écran de visualisation 45.. L'importance primordiale de l'utilisation des unités de visualisation graphique réside dans la possibilité d'accroître la compréhen sion. Celle-ci est grandement facilitée par l'utilisation de modèles mentaux ou de notations permettant une représenta tion simple d'une masse de complexités qui auraient précédemment échappé à la compréhension. Cependant, plus la complexité est grande, plus l'utilisation de modèles simples sera difficile. Ici le danger nous guette de tomber dans des raccourcis conceptuels spécieux ou des simplifications outrancières. Voici comment un auteur décrit ses propres modèles mentaux à propos du fonctionnement de circuits électriques :

" Malheureusement, mon modèle abstrait a tendance à s'évanouir quand je suis confronté avec un circuit trop complexe. Je suis incapable de me souvenir assez longtemps de ce qui se passe à un endroit pour prévoir ce qui va se dérouler ailleurs. Mon modèle disparaît. Si seulement je pouvais reproduire ce modèle abstrait dans un ordinateur et voir le fonctionnement véritable d'un circuit, mon abstraction ne s'évanouirait pas. Je pourrais alors rattraper les notions qui s'estompent à la périphérie et les rendre plus solides. Je serais alors en mesure d'analyser des circuits plus importants. De telles abstrac tions existent dans tous les domaines. Mais nous n'avons jamais fait appel à l'ordinateur qui est seul capable d'étayer ces abstractions. De nos jours, l'homme de sciences est limité par sa plume, son papier et son esprit... Grâce à l'ordinateur, il pourrait à présent représenter toutes sortes de notions complexes et abstraites, et il pourrait les utiliser comme il n'a jamais eu l'occasion de le faire auparavant. Je pense que les véritables progrès seront réalisés dans le domaine des sciences exactes le jour où il se trouvera que/qu'un pour inventer de nouvelles abstractions qu'il sera indispensable de visualiser par des unités graphiques "32..

C'est là le genre de facilité que réclament les sciences politiques, sociales, admi nistratives, les éducateurs et les spécialistes de l'information dans leur étude du système mondial. Il apparaît que des abstractions de cet ordre seront seules capables un jour de former les éléments de base adéquats à une compréhension et à une représenta tion claire du système mondial quand il s'agira de planifier ou de prendre des déci sions. L'utilisation de cette méthode contri buera à rendre le système mondial compré hensible - elle est évidemment d'une importance capitale quand il s'agit d'arriverà une compréhension rapide des structures inter gouvernementales complexes ou des relations entre les entreprises d'un secteur industriel déterminé.

Des recherches orientées dans ce sens contribueront à déceler certaines faiblesses structurales de sorte que les fonds ne seront plus consacrés sans discernement à la création de nouvelles organisations, groupements de coordination, systèmes d'informations, bibliographies, périodi ques, etc., mais seront destinés avec plus de précision à améliorer l'efficacité de structures existantes si celles-ci en ont besoin.

Ce système aura l'avantage d'éviter le cercle vicieux du double emploi et de l'inefficacité. Au point de vue de la recherche, une telle décision s'avérera tout à fait logique et en outre la visualisation de l'information trouvera grâce aux yeux du politicien, qui ne jouit pas d'une formation technique, de l'administrateur et du citoyen intéressé, étant donné l'aisance avec laquelle les problèmes pourront être simpli fiés ou examinés sous plusieurs angles à la fois (voir plus loin).

Education : une unité de visualisation gra phique reliée à un ordinateur revêt des avantages considérables au point de vue technique de communication de concepts nouveaux. A mesure que le système Inter Contact croît en complexité, il faudra rechercher des techniques nouvelles capa bles de simplifier la méthode éducative qui s'y rapporte, les rôles et interactions multiples qui sont offerts aux individus, aux citoyens et à leurs groupements. Le temps actuellement nécessaire à la commu nication d'une connaissance utile du système mondial et la difficulté de conce voir une représentation intégrée de sa complexité posent des problèmes ardus. C'est ici qu'une unité de visualisation de l'information directement en rapport avec la grande mémoire d'un ordinateur peut offrir de réelles possibilités. Un grand pas sera fait vers une compréhension clairement structurée le jour où l'on pourra manipuler des parties de réseau multi-dimensionnel à l'aide d'un tel système. On pourra ainsi reproduire clairement le système mondial à partir de n'importe quel point de ce réseau préalablement choisi. De cette manière un utilisateur particulier pourra, à partir d'une organisation (ou même d'un concept) qu'il aura vue et comprise, se servir d'une base visuelle pour le mener à une compréhension des relations plus profondes qui relient celle-ci à d'autres organisations (ou concepts) - il existera une variété de modèles utiles à des types de personnalité différente. Par conséquent, des entités " distantes"au point de vue de la communication pourront être réduites visuellement, tandis que d'autres organisa tions plus " proches" dont l'importance absolue est relativement moins grande, pourront être agrandies (parfois au point de se rapprocher de la conception que l'utilisateur se fait de celles-ci).

Un étudiant pourra ainsi, s'il le désire, compléter son réseau de base en demandant une restructuration du tableau visuel pour tenir compte d'autres structures de départ, et donc arriver à une compréhension d'ensemble qui, conceptuellement, sera fort distante du système de base dont il est parti. De cette manière, il pourra petit à petit se hisser jusqu'à la compréhension de niveaux plus généraux du système mondial ou, au contraire, approfondir certains secteurs spécialisés. Ce qui à ses yeux est sans doute le plus important est que l'étudiant pourra ainsi découvrir les organisations ou les systèmes qui présentent un intérêt maximum pour son travail, ou, au contraire, découvrir dans quelle mesure il lui faut abandonner une activité pour une autre mieux adaptée et seule susceptible de lui donner entière satisfaction, ou encore dans quelle mesure il lui faut apporter des corrections à une tendance qu'il avait jugée insatisfaisante... Une telle exploration du réseau d'organisa tions peut être enregistrée sur bande magnétique vidéo qui pourra à son tour être utilisée par les éducateurs, par la presse filmée, ou pour les réunions4.4..


Représentation d'une molécule chimique complexe sur écran de visualisation: technique employée actuellement pour aider à la compréhension de telles structures sous trois dimensions. Le chercheur peut faire tourner la molécule afin de la voir sous des angles différents, faire afficher des textes associés, ou entreprendre des calculs sur une partie de la structure.
Representation d'une molecule chimique complexe Representation d'une molecule chimique complexe
Un premier pas vers une mise sur carte de l'espace " inter-organisationnel". La technique utilisée pour la visualisation des molécules (ci-dessus)) a été employée par l'auteur pour représenter un groupement de 18 organisations et organes associés. La structure a pu être tournée (pour indiquer la configuration vue d'un point de vue donné), agrandie (pour explorer un lien donné). Les sphères (noeuds) représentant les organismes, ainsi que leur sigles, ont pu être ajoutés ou supprimés. Cette technique pourrait s'appliquer pour l'exploration des réseaux de milliers d'organisations.
(Photographies prises par l'auteur de l'écran de l'ordinateur IDIIOM de l'Information Displays Inc., U.S.A.)
Representation d'une molecule chimique complexe Representation d'une molecule chimique complexe

b) Dans un avenir plus lointain

Ce chapitre se bornera à exposer brièvement les moyens de communication et le type d'environnement qui, dans la dernière décade de ce siècle, semblent souhaitables, ou même essentiels, étant donné les problèmes et les possibilités techniques existantes - et dans quelle mesure contribuera à ce développement le système de structuration des données qui est actuellement en cours de conception à l'U.A.I.42.. Plus le nombre de facteurs essentiels, qui doit être pris en considéra tion en vue de résoudre une situation donnée, est important, plus la structuration des informations nécessaire pour cerner le problème sera complexe. C'est pourquoi, il est indispensable d'étendre l'utilisation d'unités de visualisation - comme il a été décrit ci-dessus - de façon à constituer un contexte de travail qui pourra être décrit par un administrateur (ou un membre) de la manière suivante: il devra considérer son organisation comme le point d'intégra tion ou de coordination qui, dans une série de réseaux de relations, unissent les individus à d'autres groupements impliqués à leur tour dans un ensemble de problèmes déterminés. Cette notion abstraite se pré sentera sous une forme visuelle précise en utilisant une technique de visualisation appropriée sur écran de projection tri dimensionnel relié directement à un ordina teur. Ainsi, il sera possible de contrôler le degré de développement de ces réseaux.

Chaque événement qui survient et le temps qui passe modifieront sans cesse la configuration des liens unissant les diverses organisations. Pendant qu'il regar dera, le tableau visuel lui signalera la formation ou la destruction de nouveaux liens ainsi que les secteurs de conflit qui opposent les organisations. Il appa raîtra de nouveaux points d'intégration d'importance et de durée variables entraî nant de la part de son organisation des décisions et des réactions immédiates. Il est évident que les décisions qu'il prendra, afin d'allouer des ressources dans de nouveaux domaines, viendront modifier la configuration des liens sur son propre tableau et sur ceux des autres organisations impliquées dans le même secteur d'activité. Un tableau coordonné le tiendra donc au courant des problèmes existants et le renseignera sur leur degré de développe ment. Il pourra à tout moment déterminer quelles organisations - et réseaux travaillant de concert sur le même projet sont impliquées dans tels ou tels problèmes, ainsi que leur degré d'efficacité et leurs besoins en ressources. L'ordinateur lui révélera, d'autre part, les problèmes qui l'intéressent tout particulièrement et qui ne touchent aucune autre organisation, et lui indiquera les groupements auprès desquels il pourra obtenir des fonds, ou qui seraient désireux de collaborer, ou encore de soutenir une action qu'il aura entreprise 33..

Vu les développements en matière de communications, les organisations - c'est à-dire des structures destinées à traiter les informations - tendront de plus en plus à abandonner les formes qu'elles prennent de nos jours. Le bureau deviendra superflu puisque les dossiers, rapports et documents, seront stockés et utilisés électroniquement. La salle de conférences disparaîtra étant donné que les déplace ments sont une source d'inconvénients et de perte de temps, qu'il sera plus commode de remplacer par les avantages qu'offrent les communications par video phone. L'organisation purement adminis trative deviendra un concept concrétisé dans un programme d'ordinateur34.. Une telle évolution aura l'avantage de réduire la propension ou le besoin de s'identifier avec les aspects auxiliaires et accessoires d'une organisation, aspects qui, en général, sont les plus réfractaires à toute idée d'évolution. La notion même d'organisation en tant que structure permanente sera modifiée. La facilité avec laquelle les structures peuvent être modifiées ou créées entraînera un accroissement de la vitesse d'évolution de celles-ci au point ou de nouveaux liens seront employés pour la solution de chaque nouveau type de problème.

On en arrive ainsi au point où la notion d'organisation considérée comme une struc ture distincte et bien définie (à l'exception de sa définition en termes d'ordinateur) sera bientôt remplacée par une notion nouvelle. On mettra davantage l'accent sur les composants potentiels d'une structure en fonction d'un problème type, et sur la stimulation nécessaire à encourager leur participation. La notion d'une dynamique de l'organisation ne cadre pas avec la pensée traditionnelle des organisations officielles, mais elle se rapproche très fort, par contre, de la compréhension intuitive de l'action dont font preuve les groupements, les organisations officieuses et les groupes de pression.

Une méthode nouvelle et puissante d'attaquer les problèmes mondiaux. La combinaison de l'homme - élément créateur, et l'ordinateur - le réalisateur intégral, est le coeur même du concept de la visualisation graphique par ordinateur. Il résulte de cette combinaison une équipe d'une puissance inconnue jusqu'ici, douée d'une capacité très large de résoudre les problèmes.
(Photo: Bell Telephone Laboratories)
Visualisation graphique par ordinateur

On pourra réellement apprécier la grande souplesse de cette méthode si on considère (d'un point de vue sociologique) que certaines " organisations"peuvent être for mées actuellement par des personnes concernées qui téléphoniquement décident d'une action conjointe ou d'une opposition à quelque politique nouvelle. Dans l'avenir, cette procédure sera rapidement accompa gnée d'une formulation (et la négociation qui y est associée) d'une structure d'orga nisation réglée par sa représentation en ordinateur, de sélection des listes de contacts, acquisition de fonds (par trans fert électronique de crédits), etc. Un groupement officiel aura été ainsi créé qui pourra exercer des pressions ou être liquidé tout aussi rapidement.

La gamme actuelle d'organisations est très sévèrement limitée par la nécessité de rendre simple la procédure de délibéra tions et de contrôle, ainsi que l'identification de groupements membres. La puissance de calcul et de visualisation de l'ordinateur permettra de rendre compréhensible la constitution de groupements complexes de divers types, rendant ainsi possible l'existence de certains groupements qui " s'associent"ou " existent"momentané ment dans un but commun, ou qui modifient leurs structures et leur mode d'action pour les besoins d'une cause particulière35., ou encore qui ont un nombre important de membres pour une politique déterminée et un nombre très limité pour d'autres programmes. Ces nouveaux types d'organisation poseront des problèmes considérables quand il s'agira de leur accorder un statut officiel à moins qu'en matière de législation on admette le fait que le programme d'ordina teur offre en fait une précision de définition considérablement plus élevée qu'auparavant.

Les possibilités les plus riches résident peut-être dans une amélioration des rela tions entre l'homme de la rue et les spécialistes qui recherchent de nouveaux moyens de comprendre, de contrôler et de faire évoluer la société. Les prévisions concernant la situation mondiale en 1976, dans laquelle " ... le politicien, qui travaille de concert avec ses conseillers techniques et ses planificateurs, sera en mesure d'avancer des interprétations sur la " réalité urbaine", des programmes destinés à y remédier et des évaluations à propos de ces programmes d'exécution, fondées sur des connaissances que ses adversaires ne pourront pas se procurer ou qui seront indisponibles au moment même où ceux pourraient s'en armer..."28. seront heureusement dépassées. Le système d'information envisagé plus haut pourrait être adapté de façon à pouvoir enregistrer aussi bien les idées les plus subtiles des diplomates ou des artistes, que celles, plus positives et mathématiques, des chercheurs 36.. Celles-ci pourraient alors être traduites par l'ordinateur soit directement, soit par l'intermédiaire de programmes éducatifs appropriés, en explications adaptées aux exigences de l'homme de la rue. Les possibilités de participation ont été considé rablement améliorées et elles sont implicite ment présentes dans la souplesse et la facilité avec lesquelles il est possible de former et de contrôler les organisations - ou même de s'y opposer.

L'extension de systèmes nationaux de données en vue de faciliter, à l'aide d'un tel système, la contestation démocratique, pourra seule éviter que les systèmes en question soient détruits par une future évolution ou employés à tort dans un but d'oppression. La clé du succès réside dans le fait d'utiliser le même système pour des buts différents; on évitera ainsi les réactions spasmodiques d'une société qui doit se contenter d'un système d'infor mation fragmenté.

Dans le contexte actuel, on pourrait conclure que le seul modèle dynamique suffisamment complexe et cependant compréhensible résumant toute la variété des systèmes employés, est l'administrateur en tant qu'être humain pleinement déve loppé. Il devra être capable non seulement d'enregistrer les informations coordonnées mais de conserver une vue d'ensemble du réseau global. C'est là une évolution susceptible d'apporter à plusieurs de réelles satisfactions philosophiques et capable de constituer les éléments conceptuels de base nécessaires à un rétablissement de l'équilibre entre l'homme et le milieu organisé dans lequel il évolue. Il conviendrait alors d'éduquer les individus comme spécialistes en généralité et de conceptualisés en eux-mêmes les inter actions entre les sous-systèmes de la société tout en développant la précision et une vision suffisamment large des choses. Il s'agit en outre de leur apprendre la manière dont il est possible de visualiser sur un écran toutes les subtilités exis tantes et d'en tirer profit par le biais de discussions objectives et de moyens de contrôle permettant des développements ultérieurs.

Conclusion

Le fait qu'il n'existe aucun centre, faculté universitaire ou institut, spécialisés dans l'étude du système international dans son ensemble, ou dans l'étude de la corrélation des problèmes dans son ensemble46. , donne aux activités et aux projets de l'U.A.I. un relief tout particulier. On peut entrevoir une autre conséquence possible qui semble avoir été ignorée jusqu'à présent.

Le manque de ces centres d'informations prouve suffisamment que personne ne s'est jusqu'ici préoccupé (on n'a pas non plus pensé à utiliser ces informations) d'envisa ger les problèmes dans un esprit assez large pour pouvoir parer aux conséquences synergétiques qui sont en puissance la cause d'une catastrophe finale. Et, " tandis que les difficultés et les dangers s'accrois sent selon une progression géométrique, la connaissance et la main-d'oeuvre qualifiée capable de les résoudre tent à augmenter, selon une progression arithmétique"37.. Une vue fragmentaire de la société peut en fin de compte renforcer le degré de fragmentation conceptuelle dans l'esprit de l'homme; la réciproque est vraie égale ment. Cette fragmentation va à l'encontre de toute satisfaction humaine38. et - dans la mesure où la clef de la paix réside dans l'esprit des hommes39.- elle entrave toute recherche d'une paix mondiale satisfaisante et la solution d'autres problèmes internationaux.

Du fait que notre puissance est issue de la fragmentation de nos connaissances et de nos actions, nous restons relativement impuissants quand il s'agit de résoudre intelligemment les problèmes posés par des unités telles que la cité, l'écologie d'un estuaire, ou " la qualité de la vie"40.- ou le système mondial dans son ensemble. Un développement de méthodes plus aptes à coordonner divers secteurs d'activité et de connaissance mènera à des relations plus concrètes entre les organisations et les problèmes 41..

La constitution d'un réseau - une ressource inexplorée en fonction de ses conséquences synergétiques - au sein duquel toutes les organisations figureraient en fonction de leur système de contacts, diminuerait la tendance actuelle qui consiste à consi dérer les organisations comme des entités isolées (fait qui favorise les conflits plutôt que la coopération) et à traiter les problèmes isolément comme s'ils n'étaient solubles que par des organisations isolées. Les techniques dont on dispose actuellement sont capables de structurer les informations sous une forme visuelle adaptable aux exigences de l'enseignement. Des possibi lités passionnantes sont ainsi offertes en vue d'améliorer la compréhension des structures de la société.

Le réseau serait à même de produire un modèle réaliste et physique de ce qui, jusqu'ici, n'a été qu'une notion abstraite et relativement insignifiante: c'est-à-dire la " société universelle ". L'existence d'un tel modèle pourrait avoir des conséquences importantes sur le plan social et éducatif. La force de l'U.A.I. provient d'une idée relativement simple qui a été renforcée au cours de soixante années - c'est à-dire la nécessité d'une " vue d'ensemble" au-delà de toutes les catégories tradition nelles. La rapidité avec laquelle le système Inter-Contact de l'U.A.I. se développera dans le but de concrétiser le réseau d'organisations dépendra directement: a) de la mesure dans laquelle certains groupe ments intéressés par des problèmes spé cifiques ou régionaux seront capables de comprendre l'avantage qu'il y a à libérer des fonds pour pouvoir inclure dans le système général de coordination des infor mations hautement spécialisées et b) de l'enthousiasme que l'on pourra soulever chez les utilisateurs possibles et chez des groupements désireux de rassembler systé matiquement, et de préparer, des informa tions au sujet de groupements s'occupant activement de problèmes qu'eux seuls considèrent comme importants. Le succès ultime dépendra de la mesure dans laquelle la notion de coordination répondra aux besoins de la jeunesse, en stimulant son imagination et en lui fournissant un instrument digne des années 1970, un instrument qui aidera l'homme de la rue à comprendre la société et à se construire un environnement satisfaisant.


References

1. Peter Drucker. The Age of Discontinuity; guide lines to our changing society. Harper and Row, 1968, p. 350.

2. Union des Associations Internationales. Annuaire de la Vie Internationale. Publié avec le concours de l'Institut International de Bibliographie et l'Institut International de la Paix, par H. Fried, H. La Fontaine et P. Otlet, 1908-1909, 1.370 p., 1re. édition (pub. n° 3);

Union des Associations Internationales. Annuaire de la Vie Internationale. Publié avec le concours de la Fondation Carnegie pour la Paix Internationale et de l'Institut International de la Paix. 1910-1921, 2.652. p, 2e .édition (pub. n° 47).

3. Union des Associations Internationales. Annuaire des Organisations Internationales. 1950, 902 p., 3" édition (pub. n° 146); Yearbook of International Organizations. 1968-69, 1.220 p., 12e. édition (pub. n° 210).

4. Il n'existe aucune information concernant le nom bre total des organisations. De 1950 à 1968 le nombre des organisations internationales est passe de 71 8 à 3.195 (dont: 28 groupements membres des Nations Unies, 201 autres groupements inter gouvernementaux, 2.577 groupements internatio naux à but non lucratif; 2.816 entreprises commer ciales multinationales 3.). Ceci représente un accrois sement de 4,5%, c'est-à-dire 855 unités en l'an 2000 pour les groupements gouvernementaux; un accroissement annuel de 5,0% pour les groupe ments non gouvernementaux à but non lucratif. Celles-ci pourraient passer à 9.600 en l'an 2000.

5. Par exemple, le Gouvernement Fédéral des Etats-Unis possède 13 Comités Congressionnels, 90 programmes, 26 groupements semi-gouverne mentaux et 14 comités inter-agences s'occupant de problèmes d'environnement. Au niveau inter national, il n'existe aucune information concernant le nombre de groupements au sein des Nations Unies.

6. Notez par exemple le chevauchement des res ponsabilités entre les ministères au sein d'un gou vernement ou entre les agences spécialisées au sein des Nations Unies (Voir aussi réf. 21).

7. Citons par exemple, l'Intergovernmental Task Force on Information Systems.

8. L'existence d'un périodique possédant un réseau de souscripteurs pourrait tenir lieu d'une organisa tion de membres. Eurochemic est une organisation commerciale inter-gouvernementale.

9. H. J. Laski. Grammar of Politics. Yale University Press, 1925.

La perméabilité de l'état-nation aux influences extérieures est traitée chez A.M. Scott, The Functioning of the International Political System. MacMillan, 1967.

10. Une étude de 14 périodiques et de 10 antholo gies sur les relations internationales au cours de la période 1960-1969, par Chadwick F. Alger. Research on research: a decade of quantitative and field research on international organizations. Paper presented to the American Political Science Asso ciation, annual meeting, September 1969.

11. Bertram M. Gross. Organizations and Their Managing.Free Press, 1968, p. 636.

12. " ... la technologie a transformé la société humai ne en un tissu informe où les relations mutuelles ne peuvent plus être débrouillées qu'au péril de perdre le contact avec la réalité. "V. Ferkiss. Technological Man; the myth and the reality. Heine mann, 1969, p. xii.

13. " La plupart des discussions actuelles à propos de système dans le domaine de la sociologie sont singulièrement naïves et périmées quand on s'en réfère à des systèmes de recherche modernes uti lisés dans d'autres disciplines." W. Buckley. Socio logy and Modern Systems Theory (un essai de remplacement des modèles surranés de la société par un système conceptuel plus viable et plus approprié). Prentice-Hall, 1967 p. 7.

14. II semble que c'est Colin Cherry qui, le prem a eu l'idée de constituer un réseau d'organisation coordonnées. On Human Communication, , Wiley, 1957. Voir aussi J.C. Mitchell (Ed.) Social Networks in Urban Situations. Manchester Press, 1969.

15. Sur le Report on the World Social Situation. B.M. Gross. The state of the nation: social systems accounting. Dans: Bauer, R.A. (Ed.) Social Indicators. M.I.T., 1966, pp. 194-9 et p. 269-70.

16. La reconnaissance actuelle de l'importance et des ramifications des problèmes d'environnement justifient une restructuration de la Décennie, comme la Décennie du Développement de l'Environnement des Nations Unies. Il y est clairement formulé que ce n'est pas le développement à tout prix qui importe, mais au contraire l'évolution contrôlée en fonction des conséquences de cette évolution même - c'est là précisément le concept qui fait défaut à la notion de développement. Il y est éga lement question des problèmes de développement dans le Tiers Monde et des problèmes causés par l'excès de développement dans la société industrielle - la création d'une telle société étant le but de tout développement rapprochant ainsi les pro blèmes des trois mondes.

17. Russell L. Ackoff. Systems, organizations and interdisciplinary research. General Systems Yearbook, Society for General Systems Research, vol. 5, 1960, pp. 1-8.

18. E. N. Bacon. Urban Process. Daedalus Fall 1968, pp. 1.167.

19. K. G. Harr Jr. cité dans Harvard Business Review, Mars-Avril 1967, p. 10.

20. Ceci équivaut à isoler les informations dans un ordre plus élevé, fait dû à l'accroissement du nom bre de moyens dont on peut les utiliser - une réduction de l'entropie plus importante que de coutume.

21. Robert Jackson. The Capacity Study of the United Nations Development System.United Nations, 1969, deux volumes.

22. Anthony Judge. International Organizations and the Generation of the Will to Change: the information systems required. Bruxelles, U.A.I., 1970 (INF/5). [text]

23. Union of International Associations. International Associations, 1949 - mensuel.

24. Union of International Associations. International Congress Calendar (congrès internationaux dans l'avenir); paraît annuellement avec suppléments, voir réf. 23.

25. Union of International Associations. Directory of Periodicals Published by International Organizations. Bruxelles, U.A.I., 1969, 3e. édition.

26. Union of International Associations. Yearbook of International Congress Proceedings, 1960-67. Bruxelles, U.A.I, 1969, 640 p.

27 Des recherches ont déjà été entamées concernant l'emploi des moyens de visualisation par écran type télévision des structures tels les réseaux d'organisations.

28. Donald N. Michael. On Coping with Complexity: Planning and Politics. Daedalus, Fall, 1968, pp. 1179-1185.

29. H. Kahn and J. Wiener. Faustian Powers and Human Choices. Dans: W.R. Ewald (Ed.), Environment and Change, Indiana University Press, 1968

30. La dernière édition française a été publiée en 1961.

31. Ivan Sutherland. Computer graphies. Datamation, May 1966, pp. 22-27.

32. W. D. McEIroy. National Academy of Science. News Report, November 1969.

33. Un système techniquement analogue à celui-ci est déjà utilisé pour la vente et l'achat d'actions entre parties qui désirent rester anonymes durant la phase des négociations. Voir A Computer to bypass the broker. Business Week, 8 mars 1969, pp. 96-97.

34. En dehors des avantages technologiques que présente une telle solution, la société en est déjà arrivée au stade où un ensemble tri-dimensionnel de bureaux tend à devenir un obstacle direct aux contacts multi-dimensionnels qui se produisent entre les individus et les nombreuses fonctions qu'ils ont à remplir dans le cadre d'une grande variété de comités et de groupes de travail. 3.5. Ceci pourrait mener à un grand progrès dans l'étude des problèmes de minorité/majorité, tels que ceux existant en Afrique du Sud.

36. Certains problèmes de relations entre organisations pourraient aussi être résolus de manière plus imaginative et plus harmonieuse. Les dévelop pements actuels laissent déjà entrevoir cette possi bilité. " L'ordinateur, qui est capable de manipuler une masse fantastique de données, rapprochera l'artiste de l'homme de sciences. De manières dif férentes, ils pourront tous deux à présent utiliser les mêmes disciplines et les mêmes connaissances. Pour la première fois, l'artiste est en mesure d'ac céder directement aux concepts scientifiques de base du XXe.siècle."(C. Csuri et J. Schaffer. Art, Computers and Mathematics. Dans: Computer Art Society, Event One Londres, 1969.)

37. Yehezkel Dror. Prolegomenon to policy sciences: from muddling through to meta-policymaking. Texte présenté à un symposium de l'American Association for the Advancement of Science, décembre 1969.

38. Voir par exemple N.W. Chamberlain. The Life of the mind in the firm. Daedalus, Winter 1969, pp. 134-146. La possibilité d'en arriver dans l'avenir à une " ségrégation"sur le plan de l'organisation

Anthony Judge. Organizational apartheid; who needs whom in the second United Nations Development Decade? International Asso ciations, vol. 21, octobre 1969, pp. 451-466. [text]

39. René Maheu, Director Général, UNESCO.

40. Editorial. Fortune, février 1970, p. 92.

41. Jere W. Clark and Anthony Judge. Development of transdisciplinary conceptual aids. Bruxelles, U.A.I., 1970, proposition de projet. [text]

42. Quelques-unes des possibilités traitées dans ce chapitre ont fait l'objet d'une étude plus détaillée par Anthony Judge. Communication and international organizations. International Associations, vol. 22, février 1970., pp. 67-79.

43. Introduction lue en 1968 lors d'une session du College of Management Control Systems (The Institute of Management Sciences).

44. Ces points ont fait l'objet d'une étude plus détaillée par Anthony Judge. The improvement of communication within the world system. Bruxelles, U.A.I. 1969. (INF/2). [text]

45. Voir par exemple: International symposium " Computer Graphics 70 "; sessions and papers. Brunei University, 1970, 3 vols.

46. Pour l'importance actuelle de la généralisation relative à la spécialisation, voir par exemple: United States Senate, Committee on Government Operations, Subcommittee on National Security and International Operations (Comp.). Specialists and generalists; a selection of readings. Washington, 1968.

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